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Portrait

Pour moi, la propriété telle qu’elle existe aujourd’hui n’est pas juste.

Bernard et Solange étaient les propriétaires d’une maison Boulevard de la Révision à Anderlecht. Il y a 2 ans, ils ont décidé de donner le terrain au CLTB et la maison à Fair Ground Brussels, une coopérative immobilière sociale qui repose sur le principe des CLT et qui a été une quinzaine d’associations bruxelloises. Aujourd’hui, Bernard témoigne.

De leur implication dans le quartier de Cureghem à la création de l’asbl RENOVASSISTANCE​

En 1972, nous sommes revenus en Belgique après 7 an passés en Afrique. Nous avons fait le choix volontaire de nous installer à Cureghem. Pas tellement dans l’idée de « faire des choses pour les gens », mais surtout pour ne pas perdre le contact avec la réalité, être conscient des problèmes de pauvreté et des difficultés auxquelles sont confrontées les populations immigrées. Solange et moi, nous venons tous les deux de familles fortunées. Nous avons hérité de l’argent, pour lequel nous n’avons pas dû travailler, pour lequel nous n’avions pas de mérite. 

Nous avons décidé d’investir notre argent dans le quartier. J’ai acheté des maisons, je les ai rénovées, et je les ai mises en location pour des habitants du quartier, toujours à des prix raisonnables. Un jour, je croisais un de mes voisins Marocains dans la rue. Il était avec un ami, il m’arrêtait pour me présenter à son ami : « Ce monsieur est propriétaire de la moitié de la rue » (ce qui était fort exagéré, mais bon…) « Mais pour moi, il pourrait les avoir toutes. C’est un bon patron ! ». C’est un des plus beaux compliments qu’on m’ait jamais fait.

Les maisons n’étaient pas chères à cette époque. Pour une maison à Cureghem, on payait en francs Belges ce qu’on paie maintenant en euros. 

J’étais ingénieur de formation, mais j’ai abandonné en 1978 mon métier d’ingénieur pour devenir plombier-électricien indépendant. Plus tard, en 1986 je me suis associé avec d’autres pour créer une entreprise d’électricité-plomberie, Eau-Courant, qui a été progressivement transformée en entreprise générale. 

Un jour, en 1988, j’étais contacté par des personnes qui voulaient faire quelque chose pour la rénovation des maisons en Région Bruxelloise. Il s’agissait d’un conseiller communal et d’un assistant social. C’est eux qui ont pris l’initiative de créer l’asbl RENOVASSISTANCE, une association qui rénove des maisons pour ensuite les mettre en location à des prix bas pour des gens qui en ont besoin. En créant RENOVASSISTANCE, juste avant la création de la Région Bruxelloise, on a voulu aussi anticiper les primes à la rénovation, dans le but d’utiliser ces primes pour faire du logement accessible et de qualité pour ceux qui en avaient besoin. Assez vite, je suis devenu président de RENOVASSISTANCE. Les premiers logements qu’on a rénovés ainsi étaient gérés bénévolement par une société de logement social, le Home Familial Bruxellois.

Plus tard, on commençait à parler de la création d’Agences Immobilières Sociales à Bruxelles. Nous avons anticipé cette évolution et nous avons créé Logement pour Tous, en 1996, deux ans avant l’approbation d’un arrêté sur les AIS par la Région.

Je me suis toujours investi dans la question du logement. En habitant à Cureghem, je connaissais très bien les difficultés de mes voisins, et l’importance d’un bon logement.

 

Un don immobilier pour mettre des logements à disposition de ceux qui en ont besoin

Grâce à notre histoire familiale, nous avons toujours eu une vie facile au niveau financier. Mais nous avons mené une vie modeste, nous n’avons jamais dépensé plus que nécessaire. Dans mon milieu, on me considérait comme un contestataire, parfois comme un communiste ! 

Pour moi, la propriété telle qu’elle existe aujourd’hui n’est pas juste. Je me sens gestionnaire de mes maisons, plus que propriétaire. Ça vient avec des responsabilités. J’ai toujours essayé d’être un bon propriétaire, et de mettre mes logements à disposition de ceux qui en ont besoin, à des prix raisonnables. Je trouve que les propriétaires de maison ne sont pas assez taxés, et c’est une des raisons pour ma décision de donner une maison à Fair Ground Brussels et son terrain au CLTB. Il faut lire Thomas Picketty là-dessus. Il explique très bien comment le système actuel favorise les propriétaires de capitaux, et comment cela fait agrandir les injustices.

En lisant l’article qui est apparu dans le magazine du RBDH, Art.23, sur les Community Land Trust, j’ai reconnu là-dedans une vision sur la propriété qui était proche de ma conception. Très vite, avec RENOVASSITANCE nous avons donc contacté les initiateurs du Community Land Trust Bruxelles. Ensuite, je me suis engagé comme trésorier dans le premier CA.

Pourquoi nous avons décidé de donner la maison du 72 boulevard de la Révision au CLTB ? Comme je disais, nous avons toujours eu assez, et mes 4 enfants aussi. Nous leur avons laissé plusieurs maisons en indivision. La maison du 72 a un grand atelier derrière, et c’est là que ma société Eau Courant avait ses ateliers. La société a déménagé à Molenbeek maintenant. Il fallait décider ce qu’on allait faire avec la maison. Nous en avons parlé avec nos enfants d’abord. Ils étaient tous d’accord. Une des raisons pour laquelle nous avons décidé de donner la maison, c’était la question de justice. Je trouve que les propriétaires ne paient pas suffisamment de taxes. Donner la maison à une association qui crée du logement pour ceux qui en ont besoin, et qui questionne le système de propriété, était une façon d’y remédier. 

 

Si tout comme Bernard, vous disposez d’un bien immobilier et pour garantir son accessibilité à tou.te.s, vous êtes prêt à en faire un don, n’hésitez pas à nous contacter pour plus d’information.